Les Saisons de la Danse - Février 2000
Un surf qui fait des vagues

Les Saisons de la Danses: Comment considerez-vous l'outil informatique ?
Didier Mulleras: Comme un catalyseur d'idées qui nous a permis une remise en question de l'image qu'un danseur donne au spectateur, habitués que nous sommes en tant qu'humains au contact presque charnel d'un corps de chair qui danse sur une scène, face à un public physiquement présent. Pourtant, même dans cette relation basique inhérente au spectacle vivant, la notion d'image, de vision, est prépondérante: même sur la plus belle scène du monde et avec les danseurs les plus émouvant, la danse n'est plus dès lors que le spectateur, celui qui voit l'image, ferme les yeux. La danse n'existe alors que virtuellement, dans le senti plus que dans le concret. Réelle ou virtuelle, c'est cette importance de l'image que nous revisitons actuellement avec l'informatique, grâce au projet Mini@tures: déplacer ponctuellement l'image physiquement représentée sur une scène, vers un écran d'ordinateur. Ici, l'informatique nous a permis de rêver, d'envisager puis de construire concrètement un concept chorégraphique, une création sous forme de clips vidéos destinée dans un premier temps à s'épanouir virtuellement sur le Web.

Est-ce vous travaillez avec une web-cam ?
Non, mais nous avons des projets à ce sujet, liés aux oeuvres que nous allons créer sur scène, ainsi qu'au travail pédagogique que la compagnie dirige pour le public dans ses studios. Notre travail chorégraphique autour de l'informatique et des nouvelles technologies s'est d'abord axé, avec Mini@tures, sur une volonté de mettre la danse en ligne, accessible au monde entier, jour et nuit sur le Web. Nous avons voulu présenter la meilleure qualité d'image possible compte tenu des contraintes et des possibilités offertes par les outils actuels. En ce sens le player RealPlayer a permis une visualisation quasi-instantanée avec une image assez acceptable. Nous nous sommes volontairement éloignés de la web-cam pour cette phase du projet Mini@tures, puisqu'il est hors de question d'imaginer une fluidité d'image avec cet outil. Nous voulions aussi nous éloigner le plus possible d'une succession, plus ou moins rapide, de photos, pour se rapprocher du débit d'images de type filmé. Pourtant, le procédé Web-cam garde à mes yeux ce côté anecdotique, frais et direct, une réalité hachée, qui reste séduisante malgrès ses imperfections.

Est-ce que la machine est un partenaire créatif ou un simple outil ?
Partenaire et outil à la fois. une entité hybride, ni monstre, ni maître, plutôt amie... Un outil concret, toujours disponible, un partenaire souvent très obéissant, toujours très stimulant dans la logique d'un travail à accomplir.

Avez-vous envie de reprendre, voire de modifier sur écran, ce que vous revoyez, après coup, sur le Net ?
C'est l'essence même de Mini@tures: un aller-retour du réel au virtuel; phase 1: le corps devient image sur le Web; phase 2: l'image revient vers le corps, sur scène. Dans les deux phases, nous procédons par retouches successives, en puisant directement dans nos résultats aboutis, mixant et remixant à volonté, reprenant telle ou telle idée contenue dans un clip pour la développer différemment, l'approfondir, et plus tard s'en inspirer avec des danseurs lorsque nous préparerons la version "live". Ce procédé d'auto-inspiration, de creuset à idées autonome, guide aussi les direction de travail: choix préalables, pistes à suivre induites par les séances de tournage avec les danseurs, réalisation infographique finalisant les clips en ligne. Notre satisfaction ponctuelle du résultat reste peut-être la seule limite.

entretien réalisé par Philippe Verrièle
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